28.4.05

la vie continue...

Je crois que Madagh m'a transformé, mais je ne sais pas du tout dire en quoi. Pour le moment faut continuer. Le boulot m'appelle. Dans les pratiques je ne suis pas plus concentré qu'avant. D'une certaine manière rien n'a changé.

Et en même temps je sens bien que c'est un truc de dingue d'aller là bas. Mais comment l'expliquer ? Je sèche. Pratiquer, avancer.

coup de fil

Hier soir j'ai reçu un appel d'un frère qui m'a bien manqué à Madagh. C'est quelqu'un qui est entré dans la tariqa en même temps que moi, mais qui est parti s'installer en Angleterre pour son travail. Il me manque. C'est bizarre : on se connaît très peu, mais il y a eu tout de suite un truc qui s'est passé.

Du coup j'étais super content d'avoir de ses nouvelles. J'ai essayé de lui raconter Madagh (pas facile...), je crois qu'il va y aller en août. Pour moi je ne sais pas trop : je ne sais pas si j'aurai des vacances. Mais si je pouvais y aller en même temps je serais super content. Insha Allah.

Un effet du voyage ça a été (mais peut-être l'ai-je déjà dit) de me rapprocher des frères que je connais à Paris. Ca me rend aussi plus proche de ce frère exilé à Oxford je crois. Hum ce n'est pas facile pour lui : pas de groupe proche de chez lui ; pour rencontrer des frères c'est un peu difficile.

frère anglais

Encore une rencontre pas croyable là bas... il y a des gens qu'on croise plein de fois sans rien se dire et puis parfois on accroche. Là j'ai discuté avec un frère extraordinaire. C'est un anglais, très british, d'une douceur incroyable. Il s'occupe de sauvegarder une forêt primaire en Malaisie (!!).

Il est parmi les premiers sinon le premier occidental à être entré dans la voie, en 1971. Comment dire... il dégage une beauté, une douceur... quand on discute avec lui on a l'impression qu'on a tout le temps, que rien ne presse. En fait il m'a fait penser au frère français qui avait animé cette conférence qui m'a tant marqué. Mais autant le frère français (lui aussi un ancien) est assez rigoureux d'aspect, autant ce frère anglais est très doux. Ils sont tous les deux un peu des deux bien sûr. Mais disons que l'anglais serait plus Jamal et le français plus Jalal.

J'ai hâte de le revoir, même si je suis incapable de me souvenir de quoi on a parlé ensemble (un phénomène courant j'ai l'impression...).

petite leçon

Hum hum. Il y a eu un soir à Madagh où j'ai discuté tard avec un frère avant de dormir (il devait être 3 heures du matin). Il m'a raconté ses premiers pas dans l'islam, c'était émouvant comme toujours. C'est un frère qui porte la barbe, il a un petit bonnet, bref il a un look assez musulman. Du coup je lui ai dit, je sais pas trop pourquoi, qu'il faut se garder du côté exotisme : c'est facile d'être attiré par des formes, un extérieur.

De ce point de vue j'apprécie énormément la "sobriété" du responsable du groupe de Paris : on ne fait pas plus musulman que lui dans un sens, mais il reste très discret extérieurement. Bon il faut dire qu'il a des responsabilités.

Bref me voilà à faire la leçon sans m'en rendre compte... le lendemain je suis allé avec quelques frères à Berkane (c'est la ville voisine) pour acheter des trucs. Et me voilà à acheter une djellaba, un pantalon. Avec une sorte d'euphorie, de fierté si je peux dire. C'est là que je me suis rendu compte que j'étais en plein dans le piège de l'exotisme sur lequel j'avais mis en garde ce frère la veille ! Comme quoi on ferait mieux de réfléchir parfois avant de faire la leçon.

Mokhtar

Encore un truc où on va me prendre pour un dingue... bon faut que je rappelle ce que c'est qu'un mejdoub. C'est quelqu'un qui a eu une illumination en quelque sorte et qui n'est jamais vraiment redescendu. Il y en a pas mal à Madagh, à des degrés divers. Je suppose qu'en France on les collerait dans un asile sous médocs mais ça c'est un autre sujet.

A un moment je venais de faire la prière dans la grande salle (qui sert à la prière mais aussi à héberger pas mal de gens pendant la semaine du Mawlid). J'étais avec Jamal, un frère parisien originaire du Tchad. Un vieux monsieur m'a attrappé par le bras et a commencé à me dire des trucs avec une grande intensité. Je comprenais rien. Mais Jamal qui parle un peu Arabe m'a dit après qu'il avait entendu le mot Mokhtar.

Peut être que le monsieur m'a pris pour un autre ou qu'il s'appelle comme ça. L'autre explication... le mot mokhtar veut dire l'élu. Hum déjà que mon égo est tout gonflé ça va pas s'arranger. Mais bon des histoires un peu bizarres il s'en passe plein là bas apparemment. Je ne sais pas trop quoi en penser. Mais c'était marrant : ce monsieur me parlait comme s'il savait des choses importantes sur moi.

sommeil

Je suis plutôt gros dormeur. Quand à passer une nuit blanche en général je mets une semaine à m'en remettre.

Pendant mon séjour j'ai du dormir 4 ou 5 heures par nuit, et zéro la dernière nuit. J'étais pas frais frais samedi, mais je ne sais pas... j'ai dû emmagasiner de l'énergie d'une manière ou d'une autre parce que samedi soir j'ai dîné chez mes parents comme si de rien n'était, et ensuite j'ai enchaîné sans problème et pris mon nouveau boulot lundi frais et dispos.

On va encore penser que je fais de la pub pour la tariqa, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que j'ai rechargé les batteries d'une certaine manière là bas. On dit qu'il y a des gens qui ne dorment quasiment pas : le fait d'invoquer Dieu leur donne l'énergie nécessaire pour faire ce qu'ils ont à faire dans leur vie. Hum je n'en suis pas là.

extasy

Pendant que j'étais à Madagh il y a eu des moments où je me demandais un peu ce que je faisais là. Les doutes que j'avais avant n'ont pas du tout disparu. Mais en même temps il y a eu des moments de très grand bien être, d'harmonie.

Ca m'a rappelé un épisode de ma jeunesse : il y a longtemps j'étais parti au ski avec une bande d'amis. Un soir, on avait pris (c'était une première pour moi) des extasys (c'est euh une drogue qui rend amical disons). On avait passé la soirée à se dire qu'on s'aimait, à avoir envie de se toucher (chastement hein), c'était super. Bon après il y a une descente. Et puis je doute que ça soit bon pour la santé.

Là à Madagh j'ai éprouvé la même chose, mais sans produit chimique, sans descente, de façon totalement naturelle. En tout cas la sensation m'est venue à l'esprit... Je n'idéalise pas : la voie ce n'est pas l'extase, mais bon il y a ces moments où on se sent vraiment bien avec les gens autour. C'est chouette. Tant pis si je passe pour un baba cool.

al hamdullillah

On dirait que le site remarche... pas croyable. Bon en même temps c'est un truc gratuit je devrais pas grogner mais il faut dire que depuis le début de la semaine c'est tout le temps en panne... ouf !

star ?

Bon je raconte le Mawlid de façon très désordonnée, et il me faudra certainement du temps pour tout raconter, d'autant que ce qui m'a le plus marqué est peut-être pas racontable. Mais bref même si c'est pas terrible au niveau nafs faut quand même que je raconte ça : je me suis retrouvé à témoigner là bas.

Ca s'est fait en deux temps. Dans l'après midi, une équipe de la télé marocaine m'a interviewé (ainsi que d'autres frères) pour un sujet sur le Mawlid et la tariqa. J'ai dit deux ou trois phrases sur ce qui m'avait amené là. Le journaliste m'avait dit de faire simple, apparemment ça intrigue les marocains que des occidentaux épousent la voie. Je crois que ça va être repris sur la BBC (quelle star !!).

Le soir il y avait la grande soirée. Du délire. 50 000 personnes dans une immense salle de prière, une soirée qui a duré 8 heures, je raconterai ça en détail si j'y arrive. En plus il y a eu de l'imprévu : le sheikh a décidé à la dernière minute d'y participer (ces dernières années il évitait pour ne pas trop se fatiguer). Du coup ça a été un peu la confusion pendant quelques minutes.

J'avais donné mon accord pour témoigner lors de la soirée (c'était avant que je sache qu'il y aurait aussi la télé mais bref...). Pas trop réfléchi avant de dire oui. Pourtant parler en public c'est pas trop mon truc. Mais entre donner son accord et y être y a une marge. Et me voilà devant tout ce monde, un micro à la main, à 2 mètres du sheikh... heureusement, je n'étais pas le premier à témoigner.

Et puis dans cette ferveur pas croyable c'est passé tout seul. J'ai parlé de cette chaleur que j'avais ressentie en rencontrant des gens de la voie. Du fait que j'avais commencé à faire du dhikr. 3 minutes de discours au total. Marrant. J'en reparlerai peut-être.

25.4.05

mahabba

La mahabba c'est (si j'ai bien compris) l'amour divin. C'est ce fluide qui circule entre frères quand on est réunis pour invoquer et célebrer Dieu. Inutile de dire que Madagh est une sorte d'énorme citerne de mahabba.

Juste avant que je ne parte là bas, une soeur m'a dit un truc très beau : "je suis sûre que Seyid va beaucoup t'aimer" (Seyid c'est Sidi Hamza, le guide de la tariqa). Elle n'a pas dit "tu vas te plaire" ou "tu vas adorer l'ambiance"... elle m'a annoncé que le sheikh m'aimerait. C'est difficile à concevoir mais je crois qu'en effet il donne à tous les disciples de l'amour. Comme s'il distribuait cette fameuse mahabba.

On ne voit le sheikh que très peu de temps, il est donc difficile de croire qu'il donne ça en quelque sorte à chacun. Et pourtant c'est bien ce qui se passe je crois. Mais bon ça me dépasse un peu.

Afrique du Sud

Bon je crois que je vais parler de Madagh et du Mawlid par petites touches, ne sachant pas trop par où commencer. J'ai rencontré là bas le dernier jour un frère qui vient... d'Afrique du Sud. C'est le seul faqir originaire de là bas !

C'est un monsieur tout doux, tout gentil, on a envie de le prendre dans ses bras. Il m'a raconté un peu son histoire. Il y a peu de musulmans en Afrique du Sud. Mais il y a des tariqas. Il cherchait un guide. Il a cherché sur internet, et est tombé en arrêt devant une photo de notre sheikh. Quelques échanges de mails plus tard, il a décidé de venir à Madagh. Et a pris le pacte là bas. C'est incroyable. Apparemment il a parlé de la tariqa à d'autres gens à Johannesbourg, et peut-être que la voie va se développer là bas grâce à lui.

Un des trucs géniaux à Madagh c'est cette diversité de gens qui viennent de plein de pays. Et on sent que ça ne fait que commencer. Ce frère sud-africain m'a tellement ému.

retour de Madagh

Ca y est je suis rentré... je vais prendre le temps de laisser reposer un peu avant d'en parler. Disons que c'était quelque chose. Bon en plus là je viens de commencer mon nouveau boulot, donc pas trop le temps de poster.

C'était... pas croyable.

18.4.05

marrant

Depuis quelques jours à chaque fois que j'explique à un frère que je commence mon nouveau travail au retour du Mawlid, il me regarde un moment avec un air incrédule puis éclate de rire.

Bon je vais avoir 24 heures pour atterrir au retour, mais apparemment quand on revient de là bas on est un peu euh... à l'ouest disons. Du coup c'est sûr que démarrer un nouveau boulot, avoir l'air sérieux et tout... on verra bien. Peut-être qu'ils vont se dire qu'ils ont embauché un grand malade.

livres, encore un petit effort

Ca y est j'ai ajouté à droite une liste de livres. D'une part ce sont tous des livres que j'ai lus et beaucoup appréciés. D'autre part oui c'est vrai je donne beaucoup de liens vers la librairie Al Ghazali mais c'est mon côté sentimental... je resterai lié toute ma vie à cet endroit (c'est là que j'ai pris la shahada).

La liste n'est évidemment pas complète. J'essaierai de la faire grandir au fur et à mesure. Je crois bien que les deux que j'ai le plus lus c'est Ibn Ata Allah et le premier livre de lettres d'Ad Darqawi. Le livre d'Eric Geoffroy est une très bonne introduction pour avoir un panorama complet du soufisme, de son histoire, de ses différentes voies et de sa place dans l'Islam. Hum qu'est-ce que je commence à être sérieux je vais finir prof !!

Quand je pense à tous les grands auteurs dont je n'ai encore rien lu du tout... pffff...

accrochage samedi soir

Samedi soir dîner chez ma mère et mon beau-père avec mon frère. Je me suis un peu embrouillé avec mon beau-père, avec comme prétexte le référendum sur la constitution (pour ce que ça m'intéresse en plus... mbref). Je crois qu'on a un compte pas soldé, et du coup il m'a un peu agressé.

Sur le moment j'ai eu l'impression d'être assez énervé. En gros je ne me suis pas laissé faire. Bon il a eu une phrase qui se voulait très blessante, mais qui m'a juste fait de la peine pour lui. Je suis vraiment embêté d'avoir ces rapports là avec lui en ce moment. Sans doute que ce n'est pas entièrement en mon pouvoir : il devient difficile avec l'âge, et même méchant par moments.

Bizarrement j'ai revu mon frère le lendemain, et il m'a complimenté sur la façon dont j'avais gardé mon calme. Peut-être un effet de la voie. Enfin je fais pas le malin : intérieurement je n'ai pas vécu cette dispute comme quelque chose de bien. Mais si ça se trouve il y a 6 mois j'aurais explosé.

ikhlas

L'ikhlas, c'est la sincérité. C'est un sujet pas facile. J'ai déjà dit que j'ai périodiquement des doutes sur mon engagement, sur ma foi, sur les raisons qui m'ont amené là, sur ma sincérité en somme. Hier dans l'atelier on a cité un hadith que j'ai déjà lu plus d'une fois, et qui exprime très bien ça. Hum à vrai dire je ne suis pas bien sûr : il me semble que c'est un hadith (c'est à dire un dit du Prophète) mais peut-être que c'est une sagesse d'Ata Allah. Glurps ignorant que je suis je réalise que si ça se trouve c'est tout simplement un verset du Coran.

En gros ça dit plus ou moins ça : "celui qui émigrera pour son Seigneur trouvera son Seigneur, celui qui émigrera pour la fortune trouvera la fortune, celui qui émigrera pour une femme l'épousera". Emigrer a le sens (je crois) de s'engager dans le chemin de Dieu. Il faut comprendre là dedans qu'on n'a que ce qu'on cherche. Et que si dans la recherche on a un autre but que Dieu on ne trouvera jamais Dieu. Je suis un peu confus sur le sujet. Mais ça me parle, ça résonne en moi.

Je crois que c'est pour ça que je me sens un peu bizarre à l'idée du départ au Maroc. Au lieu d'être fou de joie, je suis plutôt anxieux et même un peu mélancolique. Je crois que c'est parce que j'ai un peu peur d'être face à moi-même.

On dit souvent que le coeur ne ment pas. Tout se passe comme si mon coeur savait des choses que je refuse ou que j'ai peur de regarder en face. J'ai peur d'admettre que la femme qui m'a amené vers Dieu n'est peut-être pas celle que Dieu me destine. J'ai peur de ne pas être vraiment sincère dans ma recherche, et peur que ça me saute au visage en présence du sheikh.

Naturellement je me doute que rien ne va se passer comme je l'anticipe. Faut bien des surprises. Hum. Comme toujours dans ces phases de doute, je vais juste pratiquer. J'ai du mal à me concentrer en ce moment. Mais je me raccroche à cette phrase que je trouve si belle (celle que j'ai mise en haut de la colonne de droite). On verra bien.

atelier sur les hikam

Hier il y avait un atelier public organisé par la tariqa (il y en a plus ou moins un par mois). C'était sur les hikam de Ibn Ata Allah. Du coup j'en attendais beaucoup : c'est un ensemble de paroles de sagesse très concises, très riches et très profondes. J'ai déjà dit ici que c'est un livre que je trouve pas croyable.

Peut-être à cause de cette attente, j'ai été un peu déçu. Il faut croire que quand on n'attend rien de spécial on reçoit plus. L'atelier où j'avais failli ne pas aller, dont le thème ne me disait rien (celui sur la descente du Coran) s'est révélé être extraordinaire...

Pour revenir à hier, je ne sais pas trop comment expliquer ce que j'ai ressenti. En fait déçu n'est pas le mot. C'est si difficile de parler de ces hikam... un seul pourrait occuper des heures de discussion. C'est un peu la gageure de ces ateliers : parler en profondeur de sujets assez "pointus" tout en donnant un aperçu, une saveur, un témoignage de ce que c'est qu'être dans une voie soufie. Peut-être que c'était trop dense tout compte fait. Je ne sais pas trop.

Juste devant moi, il y avait une dame assez âgée, qui a posé plusieurs questions très pertinentes à la fin. J'ai vu qu'elle prenait des notes pendant tout l'exposé... elle a même noté des choses... en Arabe ! Je sais c'est mal de regarder par dessus l'épaule des gens mais bon... Ca m'a ému de voir ça. Visiblement elle savait très bien où elle mettait les pieds. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'elle s'intéresse sans doute à la Voie depuis des années.

Il y a des gens dont j'admire la sincérité de la quête. J'ai ainsi discuté après l'atelier avec un jeune homme qui était venu exprès de Laval pour assister à l'atelier. Pas facile, il faut carrément être motivé. J'ai plus ou moins foncé depuis que j'ai rencontré la voie, mais plein de gens y arrivent au terme d'un très long chemin. Hum j'ai déjà dû dire ça mais il y a autant de chemins que de cheminants.

En fait lors des ateliers la plupart des gens qui viennent ont déjà lu, savent déjà pas mal de choses sur le soufisme. Et c'est toujours l'occasion de s'entendre rappeler des choses très importantes : le non jugement, la sincérité, l'amour.

Je ne sais pas trop quoi dire sur ce qu'on a dit hier des hikam. C'est un tel concentré... J'ai ainsi appris hier que le maître d'Ibn Ata Allah (son nom m'échappe) avait dit à celui-ci qu'il avait en un livre très bref dit autant qu'Ibn Arabi dans toute son oeuvre et même plus. Ibn Ata Allah, qui venait d'une famille de savants, était au départ très méfiant sur le soufisme. Il a rencontré son maître et sa vie a changé. Il a écrit les hikam à l'âge de 25 ans. Comment dire... ça paraît pas humain. Disons que l'écriture lui a été inspirée certainement. Un grand maître soufi a pu dire que si l'on pouvait réciter autre chose que le Coran dans les prières, ça serait ces paroles. Pas mince comme compliment. Hum je repars dans "le soufisme pour les nuls"... pas grave.

interruption

Je pars demain matin pour le Maroc. Du coup pas de blog pendant une semaine. Je commence mon nouveau travail dès mon retour (lundi prochain), du coup je risque de moins avoir de temps pour mettre à jour le site. Mais qui sait... après tout ça ne prend pas tant de temps que ça.

C'est un peu bizarre j'ai des sentiments mêlés sur ce voyage... j'essaye de mettre ça au clair et j'y reviens dans l'après-midi.

15.4.05

que c'est compliqué

Si tout se passe bien je devrais au minimum apercevoir notre sheikh dans 5 jours maintenant. Je ne pense pas trop à ce voyage pour le moment.

Je réalise qu'il y a un truc un peu compliqué qui se passe dans ma tête (je suis comme ça pour plein de trucs) : je n'en attends pas trop, pour éviter d'être déçu. Ca c'est en surface. Parce qu'au fond j'espère de tout mon coeur avoir des réponses à certaines grandes questions. Mais j'enterre ça. Je me dis "ne t'enflamme pas, le plus probable c'est qu'il ne se passera rien de spécial". Hihi je me connais ça c'est un symptôme clair du fait que j'attends beaucoup.

Ou alors j'ai du mal à réaliser. Je crois bien que je vais prendre une baffe, mais je sais pas quand ni sous quelle forme. Suis assez impatient en fait. Je pense à cette soeur australienne qui a un blog, et pour qui rencontrer son sheikh est très difficile. Pour nous c'est 2 heures d'avion. Pas trop dur.

petit effort

Avec mes gros doigts, j'ai ajouté dans les liens une section "autres voies soufies". Il y en a plein, ma liste est très loin d'être complète. Si parmi mes milliers de lecteurs certains ont des liens à me suggérer j'en serai ravi. Par ailleurs je n'ai pas d'avis particulier sur les différentes voies. Ce sont les branches d'un même arbre comme dit Faouzi Skali (je crois).

Quand on trouve celle qui nous convient je pense qu'on le sent. Et le fait d'être dans la Boutchichiyya ne m'a pas empêché d'assister à une réunion Naqshbandie, de même que j'ai été ému très profondément par la réunion de chants mourides à Gorée.

Dans ma liste de trucs à faire faudrait aussi que j'ajoute une liste de mes livres préférés dans le domaine spirituel. Mais bon déjà que mon blog commence à faire carrément "je me la pète"... avec une phrase en exergue, des liens, des grandes phrases sérieuses et tout et tout comme les pros.

prémonition ?

Hier après midi je lisais un extrait du livre sur la Futuwah. La phrase que je lisais dit (bon c'est du simple bon sens) qu'entre frères il vaut mieux se faire des reproches que de garder de la rancune. Je sais c'est un truc de base, et qui vaut avec tout le monde et pas seulement entre frères. Ce qui me fait marrer c'est que je me sois arrêté justement sur cette phrase hier.

Il se trouve qu'hier soir des frères m'ont planté ; on avait un rendez-vous et ils ne sont pas venus, sans me prévenir. D'un côté ça m'a énervé (je leur ai fait savoir depuis), d'un autre ça me fait drôle. Est-ce une coïncidence ? Hum on va encore me prendre pour un dingue à voir des signes partout.

Par ailleurs ça a été un mal pour un bien : du coup j'ai reçu une courte visite du frère australien que j'aime beaucoup. C'est un peu égoïste mais j'ai été content de "l'avoir" pour moi tout seul. Et quand je pense qu'il a fait un gros trajet à vélo sous la pluie pour passer un peu de temps chez moi... Je crois bien que dans les recommandations importantes dans la voie il y a le fait de rendre visite aux frères. En pratique c'est parfois difficile. Lui l'a fait hier. On a juste fait une prière ensemble puis on a discuté 1/4 d'heure. Et c'était chouette comme tout.

aphorisme

Lu sur un blog américain un post que je trouve super sur un aphorisme de Rabi'a al 'Adawiyyah. Rabi'a est une très grande sainte qui a vécu à Bassorah au VIIIème siècle (je crois). Elle fait partie des figures un peu mythiques de la Voie. Et de l'Islam en général. Quand j'aurai le courage je traduirai le post en entier. Je fais juste un résumé ici.

Un homme riche vient la trouver un jour et lui dit "j'ai mené une vie arrogante et pleine de péchés ; si je me repens est-ce que Dieu me pardonnera ?". Rabi'a lui répond (accrochez vous !) : "Non, mais si Dieu te pardonne, tu te repentiras".

En apparence, c'est à la limite du blasphème. Mais sous le paradoxe il y a quelque chose de très fort : notre salut dépend certes de nos oeuvres, mais tout appartient à Dieu. Il ne nous revient pas de demander quelque chose en échange de notre dévotion ou de notre repentir. Il y a un grand danger à nous attribuer le mérite de nos bonnes actions. Bon plein d'auteurs ont dit ça beaucoup mieux que moi.

Le frère qui tient ce blog cite un hadith à l'appui de ça, où le Prophète dit plus ou moins (je suis pas trop fort en traduction de hadiths depuis l'anglais) : "Faites vos oeuvres correctement et avec sincérité, et accueillez les bonnes nouvelles car les oeuvres de quelqu'un ne le feront pas entrer au paradis." Un compagnon lui demande "Même toi, ô messager de Dieu ?". Et le Prophète répond : "Même moi, jusqu'à ce que Dieu étende son pardon et sa miséricorde sur moi".

Ca me fait beaucoup penser à la parabole de l'ouvrier de la onzième heure dont j'ai déjà parlé : la miséricorde de Dieu est incommensurable, et ne dépend pas de la quantité des oeuvres qu'on fait. Et surtout même s'il nous appartient de faire de notre mieux personne d'autre que Lui ne juge, ne compte et ne décide.

Alors on me dira que dans le Coran il y a plein de comptes (par exemple sur le fait que si on a une bonne intention ça compte comme une bonne action, et si on fait suivre la bonne intention d'une bonne action ça compte pour 10 bonnes actions, etc...). Je crois qu'il y a des frères qui font des tas de comptes comme ça. Je ne les critique pas.

Mon opinion là dessus, c'est que toutes ces références à des comptes sont destinées à rendre les choses plus faciles à comprendre pour nous. Et à montrer que chez Dieu la miséricorde et le pardon l'emportent sur la colère. Mais de là à tout compter... un frère me disait que ça reviendrait à discuter de physique avec Einstein. Seul Dieu tient les comptes. Hum je mélange plusieurs idées comme souvent. Pas grave.

14.4.05

pub

Bon sur ce blog je ne cache pas à quelle voie j'appartiens, mais je ne fais pas de pub en général. D'ailleurs certains frères que j'apprécie énormément sont dans d'autres voies ou dans aucune voie en particulier.

Mais là je fais une exception : dimanche 17 il y a un atelier sur les hikam de Ibn Ata Allah. C'est mon livre de chevet. J'en ai parlé plein de fois ici, et je continuerai à en parler.

Il y a là dedans de quoi méditer pendant des heures. C'est à la fois très simple, et très profond : plus on les lit et plus on comprend de choses. Pas que j'aie l'impression d'avoir tout compris loin de là. Mais ce livre... bref je sais pas trop quoi ajouter, sinon ça : je garantis que cet atelier va être génial.

envie de tuer tout le monde

Hum aujourd'hui j'ai un peu envie de tuer tout le monde. Déjeuner avec ma mère qui m'a légèrement contrarié... y a des jours comme ça où tous les petits obstacles énervent.

Je rappelle cette histoire que j'ai déjà racontée : un disciple disait à son sheikh "c'est affreux depuis que je suis dans la Voie j'ai envie de tuer tout le monde !"... et le sheikh de répondre "tu avais envie avant mais tu ne le savais pas".

Ca illustre le fait qu'un des effets très concrets et pratiques de l'invocation, du fait d'être dans une voie, c'est que ça fait sortir ce qu'on a comme colères, comme manques etc... C'est l'histoire du verre plein de boue que j'ai déjà citée.

Un frère avec qui je discutais hier me disait qu'il a passé pas mal de périodes comme ça, où il était en colère. Il y en a même (j'en connais) qui font des scènes de ménage à Dieu ! Peut être que le fait de nous rapprocher de ce qu'on est profondément ça met à vif certaines choses... je ne sais pas trop. Va falloir que je médite là dessus.

450 personnes

Hier il y avait une conférence avec Faouzi Skali sur "Regard soufi sur la mondialisation - Dialogue entre islam et occident". C'était certainement assez chic (c'était à l'ENA), avec beaucoup de gens qui s'intéressent à la géopolitique, des chercheurs, etc... Bon je n'ai pas pu m'y rendre (j'avais des obligations à mon tout petit niveau pour la voie), mais il paraît qu'il y avait 450 personnes inscrites !

J'ai déjà dit ce que je pense d'un regard trop simplificateur sur le soufisme dans lees rapports de l'occident avec l'islam. Il y a sans doute aussi un effet de mode. Mais c'est quand même génial. D'autant que je me rends compte que les voies sont très mal connues, y compris au sein de la communauté musulmane. Plus je rencontre des gens qui ont été élevés dans l'islam, et plus je le constate.

Quand on discute avec des musulmans intéressés par la voie, il y a toujours un peu les mêmes questions : "Pourquoi un sheikh ? Est-ce qu'il n'y a pas une relation directe entre le croyant et Dieu ?". Ou alors "A quoi sert le dhikr ?". C'est bizarre... je me sens peu compétent pour répondre. Je crois que c'est à chacun de goûter et de se faire sa propre idée.

Quand au respect de la charia, c'est marrant : un frère algérien m'expliquait que chez lui le strict minimum (en dessous on s'exclut littéralement de la société d'après lui) c'est le ramadan et ne pas manger de porc. Dans beaucoup de pays musulmans il y a une certaine tolérance sur l'alcool. On dit même que certaines voies soufies (d'Asie centrale je crois) n'interdisent pas l'alcool. Dans notre tariqa chacun est naturellement libre de suivre ce qu'il veut, mais disons qu'on a une observance stricte, en particulier sur l'alcool.

Hum je m'embrouille. Après tout dans le Maghreb ou en Afrique noire il y a beaucoup de musulmans qui fument des joints. Est-ce que ça en fait des mauvais musulmans ? Je ne suis pas à même de juger. C'est marrant mais ma première rencontre avec l'islam "radical" avait eu lieu au Sénégal (il y a longtemps). Je fumais à l'époque. Une fois j'étais dans un coin tranquille euh en train de fumer avec un ami. Deux jeunes Sénégalais habillés en djellabah et bonnet nous avaient fait des remontrances, ils étaient limite agressifs. Ca n'était pas allé plus loin, mais ça m'avait un peu choqué.

Bon ça le fait de savoir si on doit conseiller ou pas les autres, où sont les limites etc... c'est un très vaste sujet.

13.4.05

devenir soi

Un sujet que j'ai sans doute déjà abordé. Hum faudrait que je me relise à l'occasion je suis certain que je radote. Je ne cesse d'être étonné par la diversité des gens dans la voie. Pas seulement diversité dans l'âge, le parcours, les origines sociales, culturelles, géographiques. Il y a aussi des disparités dans la façon de voir la religion. Bon sur des choses essentielles je pense que tout le monde est d'accord, mais cette diversité fait une grande partie de la richesse de ce qu'on vit.

J'ai lu quelque part que le but de la voie (euh un des buts disons) c'est d'apprendre à se connaître. Il y a ce hadith (je crois) qui dit "qui se connaît connaît son Seigneur". Apprendre à se connaître, devenir soi c'est difficile. Si on était dans une voie "formatée" ce serait plus simple : il suffirait de se comporter comme ci, de penser comme ça. Mais là c'est plus compliqué : les réponses sont en chacun de nous. A chacun de les chercher pour lui même.

Bien sûr on reçoit de l'aide, bien sûr il y a des règles, bien sûr il y a des exemples qu'on peut suivre. Mais le travail spirituel est individuel. Hum je suis pas super concret là mais j'y reviendrai.

A ce sujet une soeur m'expliquait qu'après sa conversion une de ses amies l'a boudée pendant un an. Puis s'est rendue compte que c'était la même personne. C'est important de comprendre ça. La même personne avec quelque chose en plus à mon avis, mais ce n'est que mon avis.

borderline

J'ai parlé à mon ami qui est disons peu ouvert sur la religion de ceux qui dans la voie ont une nature particulièrement euh... sensible. Il y a des frères et des soeurs dont les états (ahwal) sont assez spectaculaires. J'ai déjà expliqué que les ahwal (pluriel de hâl) sont quelque chose d'accessoire, qui n'a pas vraiment d'importance.

Ca peut prendre beaucoup de formes différentes, et c'est sûr que ça fait drôle quand on n'y a jamais assisté. Par la suite on n'y prête plus vraiment attention : je crois que le sheikh n'a commencé à en éprouver qu'après qu'il est devenu sheikh, alors que ça faisait déjà des dizaines d'années qu'il était dans la voie. Et certains cheminent sans jamais en éprouver.

Du coup en en parlant avec cet ami je lui explique que c'est rigolo à voir mais que c'est juste une question de nature. Un peu comme être blond ou brun. Et lui me répond "ah oui c'est des personnalités borderline c'est comme ça qu'on appelle ça". Je n'ai pas trop su quoi lui dire. Pour moi parler de personnalité c'est déjà chercher une explication psychologique. Alors que la nature des gens, comment dire... ben on est comme ça voilà tout.

Mais bon... il y a des choses dans le chemin spirituel qui ne s'expliquent pas. Faut juste les prendre comme elles viennent. Et moi-même j'ai ce réflexe de vouloir tout expliquer, tout rationnaliser. Pas facile de se déprendre de ça.

qui n'avance pas...

Ca fait peur : il y a longtemps quelqu'un m'avait dit que dans la foi si on n'avance pas on recule. J'avais trouvé ça ridicule. Même dans la foulée de ma conversion quand je repensais à ça je ne comprenais pas qu'on puisse dire ça.

Et là en ce moment ça devient assez réel pour moi. Je n'ai pas d'exemple concret, mais je crois que je commence à ressentir qu'il y a du vrai là dedans. Ce n'est pas rationnel. Pour avancer je n'ai pas de recette magique : je ne suis pas certain que ce soit en lisant plus de Coran, en pratiquant plus, que ma foi va grandir. A vrai dire je vois ma foi comme une petite plante qu'on vient de transplanter : si on lui donne trop d'eau ou trop d'engrais ou trop de soleil ça risque de lui faire plus de mal que de bien.

Mais c'est quelque chose que je veux protéger. Peut-être est-ce une dépendance, je n'en sais trop rien. Difficile d'en parler...

Bon sur le thème de qui n'avance pas recule j'ai sans doute mes petites névroses à moi : ainsi je ne vais pas à la réunion du lundi pour une raison un peu idiote : je me dis que si j'y allais puis qu'un jour je cessais d'y aller ce serait un recul. De la même manière j'y suis allé progressivement depuis le début, mais d'une façon presque maniaque. Je devrais être plus simple mais chacun sa nature.

boutade sur l'orientation

J'ai déjà parlé de l'importance mais aussi de la difficulté de l'orientation. Je me rappelle encore ce frère qui me disait "il y a 3 choses importantes dans la voie: l'orientation, l'orientation et l'orientation". J'ai déjeuné hier avec lui. Bon l'orientation de ce que j'en comprends ça veut plus ou moins dire se concentrer et diriger son coeur vers le sheikh.

Attention ça n'est qu'un moyen de se diriger vers Dieu. Une image qu'on emploie souvent c'est que le sheikh concentre vers nous la lumière divine, à condition que l'on soit orientés (comme le serait un miroir) vers lui.

J'expliquais hier à ce frère que j'ai du mal à m'orienter. Il m'a dit en rigolant "ça ne doit pas aller assez mal dans ta vie ; c'est quand tout va bien qu'on perd l'orientation". Evidemment ça n'est pas à prendre au pied de la lettre. Le fait que les épreuves nous dirigent vers Dieu ce n'est pas un scoop. Hum j'ai peur d'être mal compris, ce sont des sujets délicats.

Quoi qu'il en soit, un paradoxe (un de plus) me vient à l'esprit : on fait tout son possible pour se concentrer (que ce soit pour la prière ou pour le dhikr), mais c'est Lui qui tourne nos coeurs vers Lui. Il y a plein de versets là dessus (même si je n'en ai aucun en tête sur le moment). Pour l'orientation c'est comparable : c'est le sheikh qui nous oriente vers lui. Bon là je suis à nouveau sur des terrains que je maîtrise pas.

Peut-être que je suis orienté sans même le savoir, ou sans le sentir. C'est quelque chose de tellement subtil... dans une conversation il y a quelques mois on avait comparé ça à une antenne satellite... il suffit qu'elle soit déplacée d'un demi degré pour qu'on ne capte plus rien.

12.4.05

avis sur les hikam

Hier soir j'ai bouffé avec mon copain "spirituel". Il n'a pas du tout l'intention de se diriger vers la voie, mais disons qu'avec lui je peux parler, je sais qu'il comprend tout de suite certaines choses. Question de nature je pense. Il a clairement un côté contemplatif.

A un moment je lui ai montré le livre des hikam de Ibn Ata Allah. Bien sûr dès que ça parle de Dieu, de renoncement à la volonté propre, de lutte contre l'ego, ou d'autres thèmes disons religieux ça ne lui parle pas trop. Mais en même temps à un moment il me sort "c'est dingue c'est le genre de phrases où on peut rester une heure à méditer !".

Je crois que c'était à propos d'un passage où l'auteur explique en substance que fréquenter quelqu'un qui est plus mauvais que soi et s'en sentir conforté n'a aucune valeur (faudra que je retrouve le texte exact). Ce qui est marrant c'est que je le comprends dans le sens "plus mauvais dans les actes de dévotion", tellement je suis imprégné à présent. Et lui me ramène à un sens beaucoup plus immédiat.

Pas de quoi s'extasier, mais quand même... ces aphorismes écrits il y a presque 1000 ans. Et j'ai l'impression qu'on peut les relire indéfiniment. Je crois qu'une soeur dans la voie a un petit jeu : elle en prend un au hasard et le lit. Ca me fait penser qu'il faut que j'achète les commentaires d'Ibn Ajiba sur les hikam.

hasards

Je ne crois plus au hasard. C'était plus commode avant dans un sens : l'explication du hasard pouvait toujours servir en cas de besoin. Dimanche soir en rentrant chez moi j'ai vu quelqu'un que je n'avais pas trop envie de voir dans le métro dans le même wagon que moi.

Sans entrer dans le détail c'est quelqu'un qui me rappelle un épisode euh disons pas trop glorieux de mon passé. Quelqu'un avec qui je me suis comporté d'une façon dont je ne suis pas spécialement fier. Du coup je me suis plus ou moins caché... quelle honte. Je me marre en y repensant, mais je ris un peu jaune.

Quel sens donner à cet épisode ? Je n'en sais trop rien. Je crois bien que les signes, les rencontres, sont comme les rêves : il faut se garder de les interpréter si on ne sait pas. Bon parfois on reçoit des indications suffisamment claires je suppose. Mais là en l'occurence je ne sais pas du tout quoi penser.

nouvelles du Sénégal

Je reçois aujourd'hui un mail d'Elhadji, l'ami que j'ai connu à Gorée. Je l'avais aidé à créer une adresse mail au cybercafé ; je me suis rendu compte ce jour là qu'il n'avait sans doute jamais touché à un ordinateur. Je l'avais aidé à écrire son tout premier mail.

Du coup d'avoir de ses nouvelles ça m'a ému. J'imagine qu'il a du se faire aider par quelqu'un ; je suis heureux de savoir qu'il est en bonne santé et que son boulot va bien (il travaille sur des chantiers là bas). On a beau dire l'internet parfois c'est chouette.

11.4.05

amandes

Une petite histoire qu'on m'a racontée... je me trompe sans doute sur les détails mais tant pis. Un disciple s'étonne du fait que chaque jour les mêmes frères fassent la cuisine pour tout le monde alors que d'autres sont autour du sheikh et invoquent. Il demande au sheikh "est-ce normal ? N'est-ce pas injuste ?".

Celui-ci lui répond : "il y a deux sortes de gens, ceux qui épluchent les amandes et ceux qui les mangent". Le disciple dit alors "ah j'ai compris ceux qui invoquent mangent les amandes préparées aux cuisines !". Et le sheikh lui répond "non c'est le contraire".

Ca illustre le fait que le dhikr (l'invocation ou rappel de Dieu) est un don. Bon pour ma part je n'ai pas l'impression de donner grand chose, mais cette histoire donne à réfléchir. On pourrait dire la même chose de la prière. Vendredi soir à la zaouia la prière était conduite par un frère qui a une voix et une façon de réciter qui filent des frissons. J'avais envie de le remercier après.

objets

Toujours samedi avec mon frère... il a vu mon chapelet. Ca m'a fait rire il me dit "ah t'as carrément un chapelet et tout ?". C'est drôle encore une fois il ne me juge pas je pense qu'il est juste curieux et peut être un peu amusé.

Il a aussi remarqué une vieille couverture de ma grand-mère pliée sur une chaise. Quand elle est morte (il y a quelques mois), on a "hérité" chacun d'une couverture écossaise. C'est le seul objet que je garde d'elle. Pour mon frère aussi c'est un objet qui a beaucoup de valeur. Du coup quand je lui ai expliqué que j'en ai fait mon tapis de prière il a souri.

Ce ne sont que des objets, mais comment dire... même si je n'y pense pas à chaque fois, je trouve ça bien de prier sur cette couverture. Je ne sais pas ce que ma grand-mère en penserait, mais sans doute qu'elle sourirait aussi.

l'ordre du monde

Dans une conversation avec une soeur de la voie, elle m'a raconté qu'au début de la guerre en Iraq elle avait demandé au sheikh (je crois... c'était peut être à quelqu'un d'autre) ce qu'on pouvait faire. La réponse : "fais tes prières à l'heure". Bon ça va paraître difficile à comprendre pour un non musulman, mais cette réponse me parle vraiment.

Je ne suis pas un bon exemple : je ne fais pas mes prières à l'heure. Mais je crois à cette idée qu'il y a comme un ordre du monde qu'on aide à rétablir ou à maintenir à travers la pratique. Si on m'avait dit il y a un an que je parlerais de ça... bref.

Du coup ça m'a fait repenser aux très rares fois où j'ai entendu l'appel à la prière dans ma vie "d'avant". Ca m'est arrivé il y a deux ans, à Zanzibar où j'étais parti en vacances. On avait passé la dernière nuit dans la ville, et le matin aux aurores appel du muezzin. A l'époque je n'avais disons aucune raison de m'intéresser à l'islam. Je crois bien que l'appel ne m'a pas dérangé. Comment dire... je reconstruis peut être les souvenirs après coup, mais j'ai l'impression que je trouvais déjà ça beau. Ca m'était arrivé aussi il y a longtemps à Marrakech.

Le fait que la journée soit rythmée par la prière... bon c'est un vaste sujet j'y reviendrai certainement.

chants

Décidément mon frère m'étonnera toujours. Bon en ce moment pour tout un tas de raisons il est plutôt détendu... sur mon engagement il a une attitude très cool : j'ai vraiment l'impression qu'il ne me juge pas, et pour tout dire je nous sens plus proches l'un de l'autre. Rien à voir avec la tariqa je crois ; c'est juste qu'on est plus tranquilles ensemble.

Je l'ai vu samedi, et là il m'offre un disque. Nusrat Fateh Ali Khan. Je connaissais de nom, mais là je découvre que mon frère écoute ça depuis longtemps, et qu'il adore cette musique. Attention je suis pas en train de dire que mon frère est attiré par le spirituel. Mais bon cette musique... c'est des chants à la gloire de Dieu, du Prophète. Et c'est euh disons proche des chants soufis. Je n'y connais pas grand chose mais cette tradition de chants ça y ressemble fort.

Vendredi lors de la réunion on a eu comme d'habitude des chants à la fin. C'est souvent un peu le bordel ; certains chantent plus ou moins juste, on est pas toujours bien en rythme... mais cette fois-ci il y avait une harmonie assez spéciale. Tout le monde n'est pas sensible aux chants. Moi ça fait partie des moments où je me sens le plus "m'élever". Vendredi c'était à la fois très doux et très puissant, comme une respiration. Personne ne se mettait en avant, et ça donne un sentiment d'être ensemble extraordinaire.

Il y a un chant en particulier que j'adore. Certains scandent juste "Allah", comme une base sur laquelle le chant vient se poser. C'est magnifique. Et encore : je ne connais pas le sens des paroles. Mais ça c'est comme pour le reste : ce serait encore mieux si je connaissais le sens, mais ce n'est pas indispensable pour être touché. Et Dieu sait qu'on est touché.

8.4.05

questions

C'est marrant mais pour le moment je ne pense pas trop au voyage au Maroc. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre. Bon pour les censeurs non seulement un sheikh c'est mal mais en plus on ne célèbre pas l'anniversaire du Prophète. Hum. No comment.

Je me dis que je ne dois pas trop attendre de cette visite. Au mieux je verrai le sheikh quelques instants, il y aura beaucoup de monde. Un frère m'a dit un truc très troublant : "quand tu es face à lui, tu te retrouves face à tes vraies questions". J'en ai parlé avec ce frère australien qui me fait marrer. Il m'a dit un truc encore plus fort : "pose toi les questions que tu veux mentalement... l'an dernier j'avais 3 questions très précises ; je les ai posées dans ma tête avant de voir le sheikh, et j'ai eu par différentes personnes les réponses le jour même".

Bon on va encore me prendre pour un dingue. Et pour ce qui me concerne je ne sais pas du tout si je trouverai des réponses à mes questions. On verra bien.

impatience

Ca y est je suis à nouveau impatient : réunion ce soir à la zaouia. Ces derniers temps j'avais plus ou moins l'impression que je me lassais, que j'avais passé l'enthousiasme du début. Je me pose des questions, je me juge trop "consommateur", un peu comme si j'étais inscrit dans un club de sport ou aux Verts.

Il faut dire que même si la fraternité, l'échange sont très importants, ce n'est pas l'essentiel dans ces réunions. On est là pour invoquer Dieu. Alors bien sûr le fait d'être 20 ou 30 ça a un côté impressionnant. Je ne sais pas trop comment expliquer tout ça... la tariqa n'est pas un remède à la solitude : chacun a sa vie. Mais quand je vois cette réunion de gens de toutes origines, de tous âges et de tous milieux, il y a un côté pas croyable.

Je me rappelle que mon premier contact avec la voie m'avait laissé une impression très forte : ces gens qui l'air de rien semblaient rayonner, comme s'ils avaient une sorte de lumière ou de sérénité... à présent que je connais un peu plus les gens j'idéalise beaucoup moins, ça reste un groupe de gens avec leurs qualités et leurs défauts. En dépit de ça il reste ce côté presque magique.

Hier soir il y avait une mini réunion chez moi. Je pensais qu'on serait juste deux puis est arrivé (surprise !) le frère australien que j'aime beaucoup. On ne sait jamais avant une réunion comment ça va se passer. Du coup il y a eu une énergie... je ne dis pas que sans lui ça n'aurait pas été bien, mais j'ai eu l'impression que tout était facile.

7.4.05

siège éjectable

J'ai déjà un peu évoqué le cas des gens qui quittent la voie. Pas que je me sente concerné, mais j'ai discuté de ça récemment avec le responsable du groupe de Paris. En fait à la dernière réunion on a évoqué les raisons qui font qu'on peut quitter la tariqa. Et justement l'après midi même j'avais lu un truc sur un des plus célèbres personnages à avoir quitté la Boutchichiyya : sheikh Abdeslam Yassine.

C'est pas le sheikh Yacine du Hamas, c'est un autre. Il a quitté la tariqa il y a près de 30 ans, et est aujourd'hui à la tête d'une très importante organisation religieuse/caritative au Maroc. Je ne suis pas au courant des détails, mais il a apparemment quitté la voie parce qu'il n'était pas d'accord avec certaines indications du sheikh (à l'époque c'était Sidi El Hajj Abbas, le père de notre sheikh). En particulier sur le sujet délicat de l'engagement politique : sheikh Yassine voulait plus d'engagement. Bon je suis bien ignorant de tout ça j'espère ne pas dire trop de conneries.

Un autre exemple dont on m'a parlé est un français, très érudit, très intelligent, et qui a eu des ouvertures spirituelles assez tôt après son entrée dans la voie. Ouvertures spirituelles ça veut dire des "révélations" en quelque sorte. Le genre de choses que j'ai pas encore rencontrées en personne (à supposer que ça m'arrive !). Je n'ai pas les détails, mais apparemment cet homme a refusé de suivre certaines indications lui aussi. Et là (je cite le responsable du groupe) il a "sauté" comme un bouchon de champagne. Il a quitté la voie de lui-même, sans donner de nouvelles.

J'ai demandé ce qui arrive dans ces cas là : est-ce qu'on garde l'acquis spirituel, le goût, etc... ? Apparemment la réponse est non. C'est un peu difficile à comprendre, mais il semble que l'on revienne au point zéro (sur le plan de la connaissance du coeur, pas sur le plan du savoir intellectuel). Le souvenir même des états qu'on a pu atteindre s'efface paraît-il ! Je sais c'est peut être un peu abstrait à suivre et difficile à admettre, mais c'est ainsi.

Hasard ? Hier soir dans le métro je suis tombé sur une lettre du sheikh Ad Darqawi qui décrit exactement la même chose. Un de ses disciples prend la grosse tête suite à des "aperçus spirituels" très élevés. Il s'oppose alors au sheikh, cherchant même à détourner d'autres disciples (je cite : "des disciples dont l'état spirituel était faible, de sorte qu'ils n'avaient d'autres ressources que celles de la théorie"... à méditer).

Le disciple finit par s'égarer (je résume) au point qu'il perd jusqu'à l'odeur des aperçus spirituels dont il avait bénéficié. C'est exactement la même idée. C'est marrant ça me fait penser à Men in Black avec l'appareil qui efface tout souvenir d'un épisode chez les gens "normaux".

cuisine, saveur et subtilité

J'ai pris un thé hier en fin d'après midi avec mon libraire favori. On a parlé... de la Voie. C'est quelqu'un de très subtil, et je mesure de plus en plus à quel point. Je rappelle que c'est lui qui m'a fait lire le premier livre de Guénon que j'ai lu. Il m'a parlé des réalités métaphysiques... naturellement moi je suis largué tout de suite quand on me parle de ça.

Il faut dire que j'ai "calé" un peu sur le bouquin de Martin Lings sur le sheikh Alawi, alors que mon ami libraire trouve que c'est pourtant limpide. Faut croire que j'en suis pas au même niveau de compréhension, loin s'en faut.

Pourtant dans la conversation il m'a dit un truc qui m'a vraiment parlé. Je cite de mémoire. C'était à peu près "quelle cuisine, la Voie... on est dans une casserole qui bouillonne !". Il parlait je pense du fait que la voie a un effet très réel et très concret sur nous. L'image d'une cocotte minute n'est pas mauvaise.

Puis il a complété : "on est le plat, mais aussi celui qui goûte". Il était tout content de sa métaphore culinaire. Il a ajouté "voilà c'est ça les réalités métaphysiques : dire qu'on est le plat c'est incomplet ; si on ajoute qu'on goûte la saveur là il y a une réalité". Je ne suis pas sûr d'avoir tout saisi rationnellement, mais j'ai certainement compris quelque chose là dedans. Naturellement je me rends compte en l'écrivant que ça va paraître au mieux bêbête et au pire incompréhensible. Tant pis.

J'ai souvent lu ou entendu que les leçons spirituelles ne peuvent pas passer par un exposé rationnel. D'où le recours aux métaphores ou aux paraboles (c'est criant dans le cas de Jésus).

On a parlé aussi des "réformistes" en Islam. Bon c'est un vaste sujet. Il m'a confirmé dans l'intuition que j'avais, à savoir que les réformistes sont l'équivalent du protestantisme dans la chrétienté. Le paradoxe c'est que "réforme" est un mot qui est connoté positivement dans notre monde, alors qu'en l'occurence les réformistes en Islam je ne suis pas sûr d'être d'accord avec eux, ni avec le fait qu'ils critiquent des siècles de science et de tradition. Les mots... mais je m'égare.

6.4.05

vide, pape, Austerlitz, illusions

Pas trop envie de poster aujourd'hui... je me sens un peu vide. Je suis comme en suspension. Sur ma foi, sur ce que j'éprouve, c'est un peu confus ces jours-ci.

Je vais plutôt parler actualité du coup.

Bizarre tout ce ramdam autour de la mort de Jean-Paul II. Je parle pas de la polémique qui se développe en ce moment (je crois que c'est cet excellent Mélenchon qui a dit que "ça fait le lit de tous les communitarismes" ... sic).

En revanche c'est vrai qu'on a énormément parlé de cet évènement. D'un côté il y a le côté "idole" comme lorsque Lady Di était morte. On suit heure par heure. D'après un de mes potes ça montre juste que les relations presse de l'église catholique sont bien organisées... hum je trouve ça un peu court.

Ce qui me trouble c'est que c'est (me semble-t-il) une occasion de rappeler qu'on est un pays chrétien. Bon le fait qu'on vit une crise d'identité très profonde en France c'est un de mes vieux dadas, même si j'en parle jamais ici. Je ne sais pas trop comment m'expliquer, et j'ai peur d'être maladroit, mais voilà : si encore il s'agissait de ramener les gens vers Dieu, pourquoi pas. Mais il me semble qu'il s'agit plus de réaffirmer des "racines" qui seraient "en danger". Je suis peut-être parano. Le pape devient alors l'emblème de ces peurs diffuses, même si la plupart des gens qui s'associent à la douleur de sa disparition le font sans arrière-pensées.

Hum je m'embrouille. Pas grave. Disons que je trouve qu'on en fait un peu trop sur le pape. Voilà Sur le pourquoi il doit y avoir plein de raisons qui se mélangent, je fais peut-être des procès d'intention.

Rien à voir mais bon puisqu'aujourd'hui j'ai pas trop le coeur à parler foi je recommande un livre que j'ai lu pendant mes vacances. Ca s'appelle Austerlitz, par W.G. Sebald, un auteur allemand mort récemment. C'est un livre magnifique sur un homme fragile, compliqué, à la recherche de son identité, qui s'appelle Jacques Austerlitz. On découvre qu'il a été exilé à 5 ans depuis Prague pour échapper au sort qui attendait sa famille (juive).

J'en parle très mal mais couche par couche comme un oignon qu'on éplucherait on découvre à travers des digressions (sur l'histoire de l'architecture de l'ère industrielle notamment) l'histoire de ce petit garçon qui a grandi et n'a jamais pu être lui-même. A près de 60 ans il entreprend enfin de chercher les traces de sa mère et de son père. L'auteur utilise un procédé narratif extraordinaire : il y a un peu partout des photos censées venir de la collection de Jacques Austerlitz (un jardin, un détail de bâtiment, une réunion de famille, etc...). Ces photos donnent un sentiment plus que troublant de réalité au récit. Disons que par rapport à l'ordinaire des romans que je lis ça m'a fait un drôle de choc.

Hasard ou coïncidence, le livre précédent que j'ai lu parle aussi d'un homme à la recherche de lui-même. OK c'est un thème classique, mais bon... c'est bien aussi même si ce n'est pas dans la catégorie nobélisable comme Austerlitz. C'est The Impressionist de Hari Kunzru (un auteur anglo-indien), bizarrement traduit l'Illusionniste.

5.4.05

paradis

Une réflexion de mon beau-père pendant le séjour au Sénégal me revient... c'est quelqu'un d'assez fin ; depuis que j'ai arrêté l'alcool c'est la seule personne qui m'interroge régulièrement sur le "pourquoi", comme si ça le mettait mal à l'aise. Je trouve ça plutôt chiant mais je m'y suis fait.

Et là comme quelqu'un d'autre qu'on a rencontré s'étonnait à son tour que je ne boive rien à l'apéro, il a dit un truc du genre "oui il pense qu'il gagnera son paradis comme ça". Je ne sais pas trop ce que ça voulait dire. Le connaissant, ça ne m'étonnerait pas qu'il ait deviné des choses.

C'est quelqu'un avec qui j'ai des relations compliquées, qui peut être à la fois très lourd et d'une grande finesse... de mes 4 "parents" (mon père et ma mère sont remariés), c'est sans doute celui à qui j'aurais le moins de mal à parler de l'islam. C'est sans doute celui qui n'en dirait rien s'il devinait.

le mot soufisme

Discuté ce matin avec mon libraire préféré. On a parlé de l'islam au Sénégal. Je lui disais que là bas les gens ne parlent pas du tout de soufisme ou de tasawwuf. Il m'a alors expliqué que dans le Maghreb c'est plus ou moins la même chose : les gens n'utilisent quasiment pas ces termes. Même quand ils font partie d'une confrérie. Bizarrement le terme doit être plus utilisé en occident qu'en terre d'Islam. Enfin je n'en sais rien. Ne généralisons pas.

Sur un autre sujet c'était marrant : on a parlé des différentes voies... elles viennent toutes de la même source en fait. D'une part les chaînes de transmission (silsila) démarrent presque toujours par Ali (le gendre du prophète), et d'autre part les différentes voies sont l'expression d'un même mouvement en quelque sorte.

On a parlé aussi des voies tabarruk et des voies du sirr. Pour schématiser une voie qui perd le "secret" ou sirr continue à être opérante et transmet une bénédiction (baraka), on l'appelle alors tabarruk. Il m'a dit un truc assez marrant : "toutes les voies pensent avoir le sirr, toutes les voies pensent que leur cheikh est le meilleur". Ca m'a fait sourire. Je crois que l'essentiel c'est d'avoir l'impression d'être chez soi dans une voie.

Cette distinction entre voie de la bénédiction et voie du secret (il s'agit d'un secret spirituel, un secret divin en quelque sorte) me gênait au début quand on me parlait de la voie. J'avais du mal avec l'idée que notre confrérie serait "supérieure" aux autres. Je crois vraiment que l'important c'est de trouver sa place, que ce soit dans une voie ou ailleurs.

D'ailleurs les grands auteurs parlent de "la Voie" en général, c'est à dire la Voie spirituelle. Ils ne se réfèrent pas à une tariqa en particulier.

En parlant de voie, je suis reparti avec un livre d'Abd al Qadir al Jilani, le fondateur de la Qadiriyya dont notre tariqa est l'une des héritières.

4.4.05

gri-gri ?

Juste avant que je ne parte de Gorée, j'ai vu rapidement Elhadji qui revenait du pélerinage de Touba. Il m'a donné un petit morceau de papier plié. Dessus il y a un verset écrit. Je suis censé le mettre dans un verre d'eau avec du sucre, attendre une ou deux heures et avaler le tout, papier compris.

Bon ça fera sourire certains. Mais je vais le faire. Parce qu'il me l'a donné de bon coeur. Et parce que ce papier porte certainement avec lui un peu de baraka. Tant pis si je passe pour superstitieux. Je ne sais pas d'ailleurs si tous les musulmans approuveraient ce genre de chose. M'est égal.

vendredi soir, doutes

J'ai réalisé que les frères, la pratique en groupe, m'avaient manqué. Vendredi ça m'a fait un bien fou de retrouver tout le monde, d'invoquer, de prier ensemble.

D'autant plus que là depuis mon retour je suis à nouveau plongé dans des doutes ; doutes sur ma foi, sur les raisons qui m'ont amené là, sur l'avenir... je devrais me réjouir, j'ai un travail, les choses se passent plutôt bien, et en fait je me sens un peu moyen.

J'ai lu une très brève lettre du sheikh Ad Darqawi qui dit en substance que dans la détresse il faut parfois ne rien faire, ne pas chercher de réconfort, parce que c'est ainsi qu'on peut recevoir (peut-être) une ouverture, une bénédiction. Difficile d'admettre ça mais bon...

Samedi j'ai lu un témoignage d'un membre de la tariqa. Il raconte la mort d'un frère, et son voyage auprès de la famille pour l'enterrement. Ca m'a bouleversé. C'est à la fois très simple et très touchant.

Le corollaire de mes doutes c'est que dans les pratiques en ce moment j'ai beaucoup de mal à me concentrer. Je ne peux pas m'empêcher de penser à une conversation que j'ai eue récemment avec le responsable du groupe de Paris. On parlait de gens qui ont quitté la voie. Pas que je l'aie pris pour moi, mais par moments j'avoue que je me demande un peu ce que je fais là. Bon c'est arrivé à plein de foqaras avant moi, pas de quoi paniquer.

Et puis si par moments je ne suis pas trop gai, c'est pour des raisons assez faciles à comprendre. Mais ça ça changera si Dieu le veut. J'ai repensé aussi à un autre sujet, très concret : le non jugement.

On dit qu'un des enseignements essentiels de la voie c'est apprendre à magnifier (il y a un mot arabe mais je l'ai oublié). Ca veut dire voir la beauté partout. Ca ne signifie pas qu'on renonce à être lucide, mais apprendre à ne pas juger (les autres et soi-même) c'est vrai que ça doit faire des vacances. On est tellement habitué à juger tout le monde...

Vendredi j'ai vu ce médecin que j'aime bien (celui qui me dit que j'aime le vide). Il m'a parlé de la différence entre le moi et l'ego... j'avais l'impression de parler soufisme ! L'ego c'est (entre autres) tout ce qu'on projette. Je prends un exemple : si devant un nouveau travail je réfléchis à ce qui pourrait ne pas marcher, à l'ennui que j'éprouverai peut-être après quelques temps, je projette. Du coup je n'avance pas, je reste paralysé.

Je pourrais prendre des exemples dans les relations amoureuses, dans les rapports familiaux. Les peurs, les désirs "mauvais" (domination, puissance etc...), l'impression qu'on a déjà vécu ça, l'impression quand on rencontre quelqu'un qu'on peut le cataloguer d'emblée, tout ça ce sont des aspects très concrets de l'ego. De la nafs comme on dit dans la voie. Pas difficile de voir que ce sont des freins.

Il y a quelques années, une nana d'un cabinet de recrutement m'avait comparé à une Ferrari avec le frein à main. Façon de dire que j'étais freiné par des trucs invisibles. Dans ce sens là, j'attends vraiment de la foi qu'elle me libère. Hum les rapports entre soumission et libération c'est un autre sujet.

Quand on explique que la foi libère, certains sourient. Ou ne comprennent pas. Moi-même j'aurais souri il y a quelques temps. C'est seulement depuis peu que je commence à comprendre ce que ça peut vouloir dire. Bon là c'est un très vaste sujet. Encore un sujet sur lequel je reviendrai.

Dîné avec mon frère hier. Il semble beaucoup plus serein qu'au début sur mon choix spirituel. Il m'a demandé si j'étais allé à la mosquée à Gorée. Mais d'une façon très cool, par simple curiosité. Quand on était à Gorée il m'a fait remarquer que je laissais traîner des cailloux comme le petit poucet, comme si j'avais envie d'en parler à la famille.

Tiens une phrase me revient (c'est un peu décousu aujourd'hui) : la foi c'est une course de fond, pas un sprint. Patience. Encore et toujours. J'ai du mal à réaliser que dans deux semaines je serai au Maroc pour le Mawlid.

1.4.05

ça part fort

Coup de fil ce matin de mon futur boss (je commence le nouveau job dans 3 semaines si tout va bien). Il me demande de remplir en urgence une demande de visa... pour Téhéran !

Dans ce job j'aurai à voyager de temps en temps, mais je ne pensais pas que ça partirait aussi fort. Marrant que ça commence par l'Iran. Ca fait longtemps que je suis fasciné par l'Iran. De ce que j'en sais Téhéran est une ville surpeuplée, archi polluée, pas vraiment agréable, mais c'est quand même chouette. Je partirai sans doute 2 ou 3 jours seulement, mais c'est toujours ça.

Je réalise qu'entre le Sénégal, le Maroc (où je vais pour le Mawlid) et maintenant l'Iran ça me fera 3 pays musulmans en moins de 6 semaines...

Hum ça se bouscule un peu par ailleurs dans ma tête, faut que je m'organise. Dhikr surprenant ce matin. J'avais l'esprit ailleurs au début comme souvent, mais sur la fin j'ai eu une qualité de concentration qui m'a surpris. C'est peut-être le fameux goût qui commence à rentrer... on a encore parlé de l'orientation hier soir, c'est si difficile de comprendre ça.

Je suis un peu dérouté depuis quelques jours. On m'a prévenu plein de fois que dans le chemin il y a de nombreux moments où on est dans un état de perplexité, où on ne sait plus trop où on en est, alors je ne m'en fais pas trop. Je vais m'accrocher au dhikr. On verra bien.

This page is powered by Blogger. Isn't yours?